Extraits de quelques numéros

 

Extrait du n°4

Sophia de Mello Breyner Andresen

Poema

A minha vida é o mar o Abril a rua
O meu interior é uma atençã voltada para fora
O meu viver escuta
A frase que de coisa em coisa silabada
Grava no espaço e no tempo a sua escrita

Não trago Deus em mim mas no mundo
o procuro
Sabendo que o real o mostrará

Não tenho explicações
Olho e confronto
E por método é nu meu pensamento

A terra o sol vento o mar
São minha biografia e são meu rosto

Por isso não me peçam cartão de identidade
Pois nenhum outro senão o mundo tenho
Não me peçam opiniões nem entrevistas
não me perguntem datas nem moradas
De tudo quanto vejo me acrescento

E a hora da minha morte aflora lentamente
Cada dia preparada

Poème

Ma vie c'est la mer l'Avril la rue
Mon dedans est une attention tournée vers le dehors
Mon vivre écoute
La phrase dite de chose en chose syllabée
Qui grave dans l'espace et le temps son écriture

Je ne porte pas Dieu en moi mais dans le monde
je le cherche
En sachant que le réel le montrera

Je n'ai pas d'explications
Je regarde et je confronte
Et par méthode, nue est ma pensée

La terre le soleil le vent la mer
Sont mon histoire et mon visage

Alors ne me demandez pas de carte d'identité
Puisque je n'en ai pas d'autre que le monde
Ne me demandez pas d'opinions ni d'interviews
Ne me demandez pas ni dates ni adresses
De tout ce que je vois je m'agrandis

Et l'heure de ma mort affleure lentement
Préparée au jour le jour

 

(Liralombre n°4, p.15.)

 

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Extraits du n°8

Dès que tu fermes les yeux, l'aventure du sommeil commence. Tu es seul dans le noir, dans ton propre noir. Tu cherches, et tu trouves une clef, tu ouvres, tu montes là-haut. Tu rêves. C'est quelque part demain. Des gens que tu connais à peine te parlent. Tu ne peux pas parler, mais tu comprends, tu regardes. C'est comme dans un vieux film noir et blanc que tu as déjà vu. Il y a des joueurs de pétanque, un kiosque, une jeune fille, un gamin. Tu marches vers les joueurs de pétanque, mais tes pas sont lourds, bien sûr. Tu ne marches pas, tu commences à chanter, sans voix, en silence, tu chantes pour toi. Les boules de pétanque à tes pieds... elles sont rouges, tièdes.
Maintenant tu es dans le kiosque où le gamin boit une limonade interminable. Tu as soif. La jeune fille t'offre une bière fraîche, dorée. Tu bois, mais tu ne bois rien. La jeune fille te parle de son père, de son oncle, de son frère, le petit, de toi. Elle te parle. Ses yeux sont verts, profonds, son parfum si doux. Tu fermes les yeux; et dès que tu les ouvres l'aventure de la vie recommence.

Anibal
qui a lu Un homme qui dort de Georges Perec
Eysses, avril 1994



La porte, l'escalier, une autre porte, un couloir, encore une porte et j'arrive à cette chambre. Dedans il n'y a pas grand-chose. Une table, les murs, une lampe qui ne marche jamais, la fenêtre grande ouverte tout le temps, une tache de soleil sur le plafond, des placards. Des placards partout, grands, petits, plus grands, plus petits, des placards partout. Des placards vides. Le téléphone qui sonne de temps en temps, c'est la seule chose de vivante qu'on peut y trouver. Je ne réponds jamais quand il sonne. Je le laisse sonner. Je marche un peu dans la chambre, je regarde par la fenêtre. Je n'ouvre jamais les placards, ils sont vides. J'essaie de toucher la tache de soleil sur le plafond mais je n'arrive pas. C'est trop haut. Il n'y a pas de chaise, il n'y aura jamais une chaise. Tant pis. J'essaie encore une fois mais je n'arrive pas, c'est trop haut. La table dans un coin...non, pas sur la table. J'arrive pas.
La porte, le couloir, une autre porte, l'escalier, encore une autre porte et c'est dehors.

Anibal
CD de Eysses, avril 1994."
(Liralombre n°8, p 33, 34.)

 

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Extrait du n°9

Wystan Hugh Auden (1907-1973)

Funeral Blues

Stop all the clocks, cut off the telephone,
Prevent from barking with a juicy bone,
Silence the pianos and with muffled drum
Bring out the coffin, let the mourners come.

Let aeroplanes circle moaning overhead
Sribbling on the sky the message He Is Dead,
Put crêpe bows round the white necks of the public doves,
Let the traffic policemen wear black cotton gloves.

He was my North, my South, my East and West,
My working week and my Sunday rest,
My noon, my midnight, my talk, my song ;
I thought that love would last for ever : I was wrong.

The stars are not wanted now ; put out every one ;
Pack up the moon and dismantle the sun ;
Pour away the ocean and sweep up the wood ;
For nothing now can ever come to any good.

Blues funèbre

Arrêtez toutes les pendules, coupez le téléphone,
Avec un os à moelle empêchez le chien d'aboyer,
Faites taire les pianos et au son du tambour voilé
Sortez le cercueil, laissez passer le cortège funèbre.

Que les avions vrombissent au-dessus de nos têtes,
Inscrivent dans le ciel la nouvelle : Il Est Mort,
Mettez des noeuds de crêpe au cou blanc des pigeons des places,
Que les agents de police portent des gants de coton noir.

Il était mon Nord, mon Sud, mon Est et mon Ouest,
Ma semaine de travail et mon repos du dimanche,
Mon midi, mon minuit, ma conversation, ma chanson,
Je pensais que cet amour-là allait durer toujours : j'avais tort.

Les étoiles sont de trop désormais ; ôtez-les toutes ;
Remballez la lune et démantelez le soleil ;
Videz l'océan et balayez la forêt ;
Car plus rien maintenant ne peut arriver d'heureux.

April 1936

Traduction de Danièle Robert.
(Liralombre n°9, p. 17.)

 

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Extraits du n°10

"Je me souviens, à l'époque, j'étais un cheval. Tous les jours, un homme venait me brosser, ça, ça me plaisait. par contre, quand il me ferrait, je le détestais.
J'aimais faire de grandes balades avec lui, jusqu'au jour où il s'est marié. Sa femme lui faisait tellement de bons petits plats que le bonhomme a bientôt pesé cent kilos. Alors là, c'était autre chose. Je détestais me faire monter par cet homme que sa femme avait engrossé.

Corine."
(Liralombre n°10, p. 10.)


"Je suis d'Orléans, je n'aime pas jeanne d'Arc. Je suis née à la campagne, je n'aime par le fromage de chèvre. À trois ans, j'étais déjà un peu espiègle. Je n'aimais pas les coffres à jouets, ni les orties, mon derrière s'en souvient. J'aime les fraises, mais je n'en mange pas. Je n'aime pas ces gros boutons qu'elles me donnent. Je déteste qu'on m'embrasse en public, mais j'aime embrasser celui que j'aime. Je me souviens de nos premières gamelles, de mes premiers boutons, et de ses premiers baisers.

Agnès."
(Liralombre n°10, p. 10.)

 

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Extraits du n°18

Le toon's philosophe

"Pour économiser sur les maigres heures de promenades
il ne serait pas étonnant qu'on installe dans les cellules
des roues à hamsters pour les détenus..."

"De risquer sa vie ou sa liberté :
Un voleur n'est jamais malhonnête !"

"Le loyer le plus élevé
au monde est celui
d'une cellule de prison.
Le détenue le paie de
sa vie sans jamais
recouvrer sa caution."

"Lorsque s'ouvre la fleur, le jardinier recule
pour faire place au soleil."

Hafed Benotman, Le toon's philosophe
(Liralombre n°18, p. 16, 19, 20.)

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