Rosalba Galvagno

Les voyages de Freud
en Grande Grèce

Traduit de l'italien par Danièle Robert

 

 

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Présentation

Freud avait le virus du voyage et désirait par-dessus tout visiter Rome : un désir si impératif qu'il lui a fait surmonter les interdits de l'inhibition. Entre son amour de l'Italie et la découverte de la psychanalyse, il existe un étroit rapport d'interdépendance. L'Italie fut pour le " premier analyste " l'Autre Scène sur laquelle s'est joué fantasmatiquement son propre conflit œdipien : une authentique histoire d'amour scandée par une vingtaine de voyages. Ce que Freud ira chercher en suivant un itinéraire quasi compulsif, c'est, d'une part la trace de ses identifications paternelles (dans le sillage d'Hannibal et de Goethe, entre autres), d'autre part le lieu et les images d'une énigmatique féminité qui le portera à la contemplation non seulement des Vénus et Madones des grands maîtres italiens mais aussi des statuettes antiques plus modestes de Sicile. L'exploration du continent féminin est ainsi poussée jusqu'au lieu le plus profond et le plus reculé de la Botte. R.G.
Rosalba Galvagno enseigne en Sicile, à l’Université de Catane. Elle est l’auteur d’essais divers, d’articles, dont un en français dans la revue Littoral, du Sacrifice du corps (Panormitis, 1995) et prépare un essai sur La Figure de la femme dans la littérature de la Renaissance.
Danièle Robert est l’auteur d’un essai sur Billie Holiday (Les Chants de l’aube de Lady Day, Le temps qu’il fait, 1993), d’un récit pour adolescents (Le Foulard d’Orphée, Le temps qu’il fait, 1998) et d’une anthologie consacrée aux poètes lyriques latins (Action poétique, 1990). Elle a traduit entre autres, les Tusculanes de Cicéron (Devant la mort, devant la souffrance, Arléa, 1991) et l’Art d’aimer, d’Ovide (La Différence, 1991). Elle travaille à une nouvelle traduction des Métamorphoses.
Avec des lettres de Freud, Jung et Ferenczi et des photos et des reproductions illustrant les lieux et les choses dont parle Freud.

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Extrait

Lettre à Freud

"Budapest, VII, Erzsébet-körut 54
le 4 octobre 1910

Cher Monsieur le Professeur,
J'ai attendu votre lettre dans un état de tension non négligeable - j'ai failli écrire "angoisse". En pensée, j'avais déjà essayé de me familiariser avec toutes les éventualités et je m'étais même préparé au cas où, vu la déception que je vous avais causée, vous jugeriez qu'il ne valait plus la peine de vous intéresser à moi, etc. Mon plan "héroïque" était de vous rester fidèle sans tenir compte de nos relations personnelles, c'est-à-dire de votre changement de disposition à mon égard. Heureusement, cet héroïsme n'a pas été nécessaire, et j'ai retrouvé dans le ton de votre lettre la même cordialité et gentillesse et, dans le contenu, la même franchise dont je vous ai toujours su gré. Pendant le voyage déjà, mais plus encore depuis mon retour, j'ai analysé mes faits et gestes et trouvé - exactement comme vous - la cause des inhibitions dans l'attitude infantile. À cette occasion, j'ai manifesté au grand jour, sans trop prendre de gants, la résistance contre ma propre composante pulsionnelle homosexuelle (et l'extraordinaire surestimation sexuelle de la femme qui s'y rattache) et je crois en avoir tiré beaucoup de bénéfice personnel et un peu de bénéfice scientifique.
[...]
Savez-vous quels moments de notre voyage m'ont laissé le meilleur souvenir ? Ceux où vous m'avez livré quelque chose de votre personnalité et de votre vie. C'est dans ces moments-là, et non pendant nos conversations scientifiques, que je me sentais libéré de toute inhibition, "de pair à compagnon" : exactement comme vous l'aviez toujours souhaité et comme j'aurais voulu, moi, l'être continuellement.
[...]
Vous m'avez dit un jour que la [psychanalyse] était une science de faits, de constats à l'indicatif qui ne doivent être traduits à l'impératif, ce qui serait paranoïaque. D'après cette conception, il n'y aurait pas de vision du monde [psychanalytique], pas d'éthique [psychanalytique] ni de règles de conduite [psychanalytiques]. Moi non plus, je ne connais pas d'autre éthique que celle de la raison pure ; mais même chez le non-paranoïaque, l'élargissement, l'extension de la raison à des domaines jusqu'ici inconscients a une très grande influence sur la vision du monde et la manière d'agir. La toute première conséquence d'une telle conception - quand elle est présente chez deux personnes - est que celles-ci n'ont pas honte l'une devant l'autre, qu'elles ne se dissimulent rien, qu'elles se disent la vérité sans risquer de s'offenser ou bien avec l'espoir certain qu'il ne peut y avoir d'offense durable dans le cadre de la vérité. Si seulement vous m'aviez copieusement engeulé au lieu de garder un silence qui en disait long ! [...]

Assoiffé de franchise,
votre Ferenczi."

(p.113, 115, 117)

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Les voyages de Freud en grande Grèce
de Rosalba Galvagno - 128 pages, 14,84 € - ã Panormitis

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