Pier Giorgio Morerio
La mémoire d'une attente
dans les rêves d'une enfance jamais traversée
Traduit de l'italien par Danièle Robert
Poète,
photographe et psychanalyste, traducteur
de Lacan, Pier Giorgio Morerio est aussi un
grand voyageur. Voyage dans l’espace : traversée des villes et des campagnes d’Europe, arrêts sur image au hasard d’une rencontre, contemplation de scènes simples où se lit la vie secrète des gens, sensibilité aux choses – aux petits riens de l’existence – et aux êtres porteurs de mystère, à la beauté des corps et des visages, à l’importance d’un regard ou d’un sourire qui sont toujours, pour lui, porte ouverte sur l’essentiel. Voyage dans le temps : balades au rythme des saisons, remontées vers les origines, méditation sur le fugace, l’impalpable, le ténu. Tout ceci dans une langue fluide, mélodieuse, dépouillée de tout artifice ou ornement – la langue nue de la pudeur. Pier Giorgio Morerio, né à Monza en 1928, s’occupe de psychanalyse depuis plus de trente ans. Il a étudié très spécialement la pensée de Lacan et il a traduit en italien une partie importante du séminaire sur Les psychoses (1955-1956). Sur la psychanalyse, il a publié des essais dans diverses revues italiennes et prépare pour les éditions Panormitis un livre sur l’analyse et la psychothérapie des psychoses. Il est également l’auteur de trois recueils de poésie publiés aux éditions Guido Miano, à Milan, dont sont extraits trente des poèmes présentés ici. |
Danièle Robert, sa traductrice pour ce recueil, est l’auteur d’un essai sur Billie Holiday (Les Chants de l’aube de Lady Day, Le temps qu’il fait, 1993) et d’une anthologie consacrée aux lyriques latins (Action poétique, 1990). Elle a traduit l’œuvre poétique complet de Paul Auster (Disparitions, Unes/Actes Sud, 1994), les Tusculanes de Cicéron (Devant la mort, Devant la souffrance, Arléa, 1991) et l’Art d’aimer d’Ovide (La Différence, coll. " Orphée ", 1991). Elle se consacre actuellement à une nouvelle traduction des Métamorphoses d’Ovide. |
ho visto ancora tante cose belle : antiche chiese e torri diroccate, radi tetti di case in grigia pietra e i cieli tempestosi di Dordogna gonfi di nubi... e i canneti ed il mare e le campagne vaste e deserte come in un'infanzia di attese - e solitarie le distese di macchie in fiore... nei fumosi "buffets" delle stazioni unte le foto delle ballerine negli specchi scrostati un treno a nafta di nere carrozze ansima senza sosta sui crinali a pascolo, assolati, a macchie oscure : specchi d'acqua sul cielo nella vettura scossa e assordata i visi silenziosi e tumefatti tra vecchie rughe innanzi alle distese di terra e cielo. (Nel Perigord, fine maggio 1985.) |
J'ai vu tant de belles choses encore : de vieilles églises et des tours en ruine, quelques toits de maisons en pierre grise et les ciels tourmentés de Dordogne gros de nuages... et les cannaies et la mer et les campagnes vastes et désertes comme une enfance faite d'attentes - et l'étendue solitaire des vallons en fleur... dans les buffets enfumés des gares les photos des danseuses, huileuses sur les glaces abîmées un train à mazout aux wagons noirs halète sans interruption sur les lignes de crête ensoleillées, les pacages, les vallons obscurs : miroirs d'eau sur le ciel dans la voiture cahotante, assourdissante, les visages silencieux et tuméfiés, creusés de vieilles rides, devant l'étendue de la terre et du ciel. (Dans le Périgord, fin mai 1985.) |
(p.54-55) |
La mémoire d'une attente
de Pier Giorgio Morerio - 135 pages, 18,23 € - Panormitis