Liralombre n°19
Extraits
Hombre preso que mira a su hijo al "viejo hache" |
Un prisonnier regarde son fils (à la prison qu'on appelle "le vieux H") : |
Cuando era como vos enceñaron los
viejos y también las maestras bondadosas y miopes que libertad o muerte era una redundancia a quién se le ocurría en un país donde los presidentes andaban sin capangas que la patria o la tumba era oltro pleonasmo realmente botija no sabíian un corno olvidaban poner el acento en el hombre la culpa no era exactamente de ellos y como nos vendieron un ejército por eso es que no puedo depeinarte el
jopo vos ya sabés que tuve que elegir otros
juegos y jugué por ejemplo a los ladrones botija aunque tengas pocos años por eso no te oculto que me dieron
picana todas estas llagas hinchazones y
heridas pero también es bueno que conozcas y las calles y el color de los ojos y acordarse de vos una cosa es morirse de dolor por eso ahora uno no siempre hace lo que quiere llorá nomás botija gritamos berreamos moqueamos chillamos llorá |
Quand j'avais ton âge les vieux m'ont
appris, les bonnes maîtresses myopes aussi, que liberté et mort faisaient redondance dans le vocabulaire d'un pays où les présidents marchaient sans gorilles et que dire patrie avec tombe était un autre pléonasme tant la patrie se portait bien sur les stades et dans les herbages ils ne comprenaient rien à rien, petit pauvres d'eux, ils ne savaient de la liberté que l'accent tonique sur le é de muerte, qu'il faut insister sur l'avant-dernière syllabe de "détention" que l'exception veut qu'on souligne la première sur "homme" ils oubliaient l'accent ce n'étaient pas les vrais coupables d'autres plus durs, plus sinistres nous ont roulés dans la farine d'une république du verbe lisse nous ont vanté la grande vie des vaches et des éleveurs et nous ont vendu une armée prenant son maté dans les casernes on ne fait pas toujours ce qu'on veut on ne le peut pas toujours voilà pourquoi je suis ici qui te regarde et te regrette voilà pourquoi je ne peux ni t'ébouriffer les cheveux ni t'aider dans la table de neuf ni te bombarder de ballons tu sais bien que j'ai dû choisir d'autres jeux et que j'y ai joué pour de vrai ainsi j'ai joué aux voleurs mais les voleurs étaient des policiers ainsi j'ai joué à cache-cache mais qui te trouvait te tuait et j'ai joué à chat perché mais celui qu'on touchait saignait petit, tu n'as que peu d'années mais je te dois la vérité pour que tu ne l'oublies pas alors je ne te cacherai pas qu'ils m'ont passé à la gégène que mes reins sont près déclater que toutes ces plaies, ces dèmes, ces blessures que regardent tes yeux ronds, qu'ils regardent hypnotisés, sont des coups si durs des marques de botte au visage trop de douleur pour te la cacher trop de supplices pour oublier mais il faut aussi que tu saches que ton vieux n'a jamais parlé ou les a insultés comme un fou belle manière de ne pas parler que ton vieux a oublié tous les chiffres (pardon pour tes tables de multiplication) et avec eux les numéros de téléphone et les rues, la couleur des yeux celle des cheveux, les cicatrices et à quel coin de rue quel bar quel arrêt d'autobus quelle maison et le souvenir de toi de ta petite bouille l'a aidé à se taire mourir de douleur est une chose mourir de honte en est une autre maintenant tu pourras me poser des questions et surtout je pourrai y répondre on ne fait pas toujours ce qu'on veut mais on a le droit de ne pas faire ce que l'on ne veut pas pleure si tu veux, petit ce sont des foutaises de dire que les hommes ne pleurent pas ici, tous nous pleurons crions, braillons, reniflons, hurlons maudissons mieux vaut pleurer que trahir mieux vaut pleurer que se trahir pleure mais n'oublie pas. |
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"La seule chose dont je demeurai bien convaincu, c'est que, soit qu'il y eût un Dieu, soit qu'il n'y en eût pas, cela ne devait rien changer à ma conduite, qui n'avait jamais eu besoin du culte : que la seule manière de l'honorer était d'être juste avec les autres hommes. Lacenaire." |
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" Il nest pas tragique pour moi de ne pas pouvoir expliquer (ou comprendre) le monde. Francis Ponge." |
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" Ne jamais essayer darranger les choses. Francis
Ponge." |
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